Ex-Twitch CEO met son avertissement : les dirigeants ne doivent pas abdiquer leurs décisions clés
Emmett Shear, ancien PDG de Twitch et actuellement à la tête de l’IA Softmax, a mis en garde contre les dangers d’une déléguabilité excessive dans la direction d’une entreprise. Après avoir cofondé Justin.tv, la maison mère de Twitch, et avoir piloté la plateforme pendant sa croissance fulgurante — notamment lors de son rachat par Amazon en 2014 — Shear a reconnu avoir commis une erreur majeure en déléguant trop de décisions stratégiques. Au début, la déléguabilité avait été bénéfique : il a notamment mis en place un CTO, car il ne maîtrisait pas suffisamment l’architecture technique. Mais au fil du temps, cette pratique s’est transformée en une forme d’abdication. « J’avais embauché des experts, donc je devais leur laisser faire leur travail », a-t-il expliqué sur le podcast Social Radars. Cette croyance l’a poussé à ignorer ses intuitions quand quelque chose le préoccupait, même s’il sentait que la direction prise n’était pas la bonne. Dans un courriel à Business Insider, Shear a précisé que cette sur-déléguabilité entraîne des décisions plus lentes, une moindre prise de risque et une baisse d’efficacité globale. Il reconnaît que son contexte actuel — diriger une petite startup en IA — est très différent de celui de Twitch, mais il insiste sur l’importance d’un jugement éclairé, forgé par l’expérience. Selon lui, le véritable rôle du PDG n’est pas seulement de déléguer, mais de savoir discerner : quelle décision doit être prise avec rigueur, et quelle décision peut être une opportunité d’apprentissage, même si elle échoue ? « C’est en faisant des erreurs que j’ai appris », affirme-t-il. Shear souligne que personne d’autre que le PDG ne possède la vision globale de l’entreprise. « Personne d’autre ne comprend vraiment ce qu’on fait, parce que ce n’est pas leur mission », dit-il. Cette responsabilité de garder le contexte global est fondamentale. Son avis s’inscrit dans la lignée du concept de « founder mode », popularisé par Paul Graham, cofondateur de Y Combinator. Graham critique l’idée selon laquelle il suffirait de « recruter de bons talents et de leur laisser de l’espace ». Selon lui, cela peut mener à des dirigeants « professionnels de la simulation » qui mènent l’entreprise à sa perte. Shear, qui a lui-même été PDG intérimaire d’OpenAI lors du départ de Sam Altman en 2023, incarne cette approche : il défend une direction active, impliquée, où le leader reste le garant de la vision et de la direction stratégique. En résumé, Shear prévient que la déléguabilité est un outil puissant, mais qu’elle ne doit jamais remplacer la responsabilité ultime du PDG. Un bon leader déléguerait, mais ne s’abandonnerait jamais à la passivité.