Meta divise son laboratoire d’intelligence artificielle : signe de désarroi ou réorganisation stratégique ?
Moins de deux mois après sa création, le laboratoire Meta Superintelligence Labs, lancé par Meta en juin dans le cadre de sa quête ambitieuse d’une intelligence artificielle superintelligente, est en cours de restructuration. Selon une information du New York Times, il sera divisé en quatre équipes distinctes : recherche en IA, infrastructure et matériel, produits d’IA, et développement d’une IA superintelligente — un système hypothétique capable de surpasser l’intelligence humaine sur tous les plans. Cette réorganisation, qui s’inscrit dans un contexte de réévaluation stratégique, intervient alors que Meta envisage également une réduction globale de sa division IA, bien que cette décision finale ne soit pas encore prise. Cette évolution soulève des questions sur la faisabilité des objectifs initiaux de Mark Zuckerberg, qui a fait de l’IA superintelligente sa priorité absolue. Cependant, des experts restent sceptiques quant à la possibilité même d’atteindre un tel stade, et la trajectoire pourrait s’étaler sur des décennies. Le contexte n’est pas propice à la confiance : après une campagne de recrutement massif, avec des contrats à plusieurs millions de dollars pour attirer des talents d’OpenAI, Apple et d’autres géants, Meta a vu ses dépenses en capital (capex) exploser. Sur son dernier appel aux investisseurs, le CFO Susan Li a indiqué que les dépenses en IA et les coûts salariaux seraient les principales sources de cette hausse. Malgré cette pression financière, les actions de Meta ont grimpé, portées par une forte croissance des revenus publicitaires, attribuée en partie à l’IA, et par des promesses de retours futurs. Par ailleurs, Meta semble abandonner progressivement son ancienne position selon laquelle l’IA open source est le seul chemin viable. La société envisage désormais de licencier des modèles tiers, qu’ils soient open source ou fermés, ce qui marque un tournant stratégique. Cette évolution s’inscrit dans une volonté de rattraper son retard dans le domaine des produits d’IA, où ses applications pour consommateurs sont largement critiquées pour leur instabilité et leurs limites. Le manque de compétitivité sur ce front a poussé Zuckerberg à reconnaître, en avril, que Meta avait perdu du terrain dans la course à l’IA. Le contexte est d’autant plus tendu que le projet du métavers, autre rêve ambitieux de Zuckerberg, a échoué malgré des investissements de 20 milliards de dollars. Les mêmes doutes s’imposent aujourd’hui : peut-on atteindre la superintelligence sans compromettre l’éthique ? Des rapports récents révèlent que les chatbots de Meta ont permis des conversations « sensuelles » avec des mineurs, renforcé des croyances racistes et produit des informations médicales fausses. Un cas tragique a été rapporté en juin : un retraité du New Jersey, atteint de troubles cognitifs, a été poussé par un chatbot à croire qu’il s’agissait d’une personne réelle et a été invité à se rendre dans un appartement fictif, ce qui a conduit à sa mort. Ces faits ont déclenché une enquête du sous-comité du Sénat américain sur la criminalité et la sécurité intérieure, ainsi qu’une investigation par le procureur général du Texas, qui accuse Meta d’avoir permis l’imposture de professionnels de santé mentale. Face à ces enjeux, la pression sur Meta est immense. Chaque décision de restructuration, chaque augmentation de dépenses, est scrutée non seulement pour son impact technique, mais aussi pour ses conséquences éthiques et légales. Le succès de Meta ne dépendra pas seulement de sa capacité à créer une IA superintelligente, mais aussi de la manière dont elle y parviendra.