Un petit village du Kentucky réinvente la démocratie avec l’IA : 8 000 habitants, 1 million de contributions, et une vision commune pour l’avenir

Une expérience pionnière menée dans le comté de Warren, au Kentucky, a démontré le potentiel transformateur de l’intelligence artificielle dans la participation citoyenne. À Bowling Green, troisième ville du Kentucky, les autorités locales ont organisé une consultation citoyenne en ligne de 33 jours, grâce à une plateforme utilisant l’IA, qui a attiré près de 8 000 résidents — soit environ 10 % de la population — à participer activement. Ce chiffre représente un record national, selon le juge exécutif Doug Gorman, qui a comparé cette mobilisation à une « grande assemblée publique » inédite. Face à la croissance démographique prévue d’ici 2050, les autorités cherchaient à intégrer les attentes des habitants dans la planification urbaine, tout en surmontant les limites des réunions traditionnelles, souvent peu représentatives et peu fréquentées. Pour contourner ces obstacles, le comté a collaboré avec une entreprise locale et utilisé Pol.is, une plateforme ouverte d’engagement citoyen déjà éprouvée à Taïwan. Les résidents ont pu soumettre librement leurs idées sur l’avenir de leur ville sur une période d’un mois, sans contrainte de temps ni de lieu. Environ un million de contributions ont été enregistrées, révélant près de 4 000 idées originales : développement des espaces verts, amélioration des infrastructures piétonnes, création de nouveaux musées, ou encore réaffectation des commerces vacants. L’analyse de ces données a été confiée à Sensemaker, un outil d’IA développé par Jigsaw, incubateur technologique de Google. Ce système a classé les propositions, identifié les points de convergence et mesuré les niveaux d’accord entre les citoyens. Le résultat a été frappant : 2 370 idées ont obtenu l’adhésion d’au moins 80 % des participants. Parmi les priorités partagées figuraient l’augmentation du nombre de spécialistes en santé pour réduire la dépendance aux services de Nashville, et le renouvellement du tissu économique du nord de la ville. L’outil a également permis d’atteindre des groupes traditionnellement sous-représentés — personnes politiquement désengagées, travailleurs à temps plein, immigrants — en proposant le sondage dans plusieurs langues et en assurant une traduction automatique. Daniel Tarnagda, immigrant du Burkina Faso et fondateur d’un club de football pour jeunes immigrants, a souligné l’importance de cette ouverture : « Si tu ne demandes pas, tu ne sauras jamais ce que les gens veulent. » L’IA a permis d’économiser en moyenne 28 jours de travail pour les bénévoles chargés de traiter les retours. Selon Jigsaw, l’expérience de Bowling Green a démontré que, dans un cadre anonyme, les citoyens peuvent trouver un terrain d’entente au-delà des clivages politiques. « Quand les gens ne participent pas, ceux qui le font sont souvent les plus en colère ou les plus extrêmes », explique Yasmin Green, PDG de Jigsaw. L’IA, ici, a servi de pont, favorisant la compréhension mutuelle. Cependant, des préoccupations subsistent. La confidentialité des données, bien que garantie dans ce cas précis, reste un enjeu majeur pour les futures applications. Le risque de fuites ou de doxxing, ainsi que les biais algorithmiques — comme ceux révélés récemment chez Grok, le chatbot d’Elon Musk — peuvent compromettre l’objectivité des résultats. Pourtant, si ces risques sont maîtrisés, l’IA pourrait révolutionner la démocratie locale, en offrant un espace où les citoyens, quels que soient leurs parcours, peuvent s’exprimer et collaborer pour des solutions concrètes. Le projet ouvre une voie prometteuse vers une gouvernance plus inclusive, plus réactive et moins polarisée.