Un nouvel outil IA révolutionne la prédiction des combinaisons enzymes-substrats avec 91,7 % de précision
Un nouvel outil d’intelligence artificielle permet d’identifier les meilleures combinaisons d’enzymes et de substrats, accélérant ainsi la recherche en catalyse, en médecine et en fabrication biotechnologique. Développé par Huimin Zhao, professeur en génie chimique et biomoléculaire à l’Université de l’Illinois à Urbana-Champaign, ce modèle, baptisé EZSpecificity, repose sur une nouvelle base de données d’interactions enzyme-substrat et un algorithme d’apprentissage automatique innovant. Disponible gratuitement en ligne, il a été publié dans la revue Nature. Les enzymes, grandes protéines catalysant des réactions moléculaires, possèdent des poches spécifiques où s’insèrent les substrats. La qualité de cette interaction, appelée spécificité, détermine l’efficacité de la réaction. Contrairement à l’image classique du « verrou et clé », l’enzyme change de conformation lors de l’interaction — un phénomène appelé « ajustement induit ». Certaines enzymes sont même promiscues, pouvant interagir avec plusieurs substrats, ce qui rend la prédiction complexe. C’est pourquoi Zhao et son équipe ont recouru à l’intelligence artificielle, en s’appuyant sur des données expérimentales et simulées à l’échelle atomique. Pour enrichir le jeu de données, Zhao a collaboré avec Diwakar Shukla, également professeur à l’Université de l’Illinois. Le laboratoire de Shukla a mené des simulations de docking massives, analysant des millions d’interactions entre enzymes et substrats de différentes classes. Ces simulations ont permis de capturer des détails précis sur les conformations dynamiques des enzymes, comb combler une lacune critique dans les modèles existants. EZSpecificity a été testé contre ESP, le modèle leader actuel, dans quatre scénarios représentatifs de situations réelles. Il a surpassé ESP dans tous les cas. Une validation expérimentale portant sur huit enzymes halogénases — une classe peu étudiée mais essentielle pour la synthèse de molécules bioactives — et 78 substrats a révélé une précision de 91,7 % pour les meilleures prédictions de EZSpecificity, contre seulement 58,3 % pour ESP. « Ce modèle ne fonctionne pas pour toutes les enzymes, mais pour certaines, il s’avère très performant », affirme Zhao, qui dirige également l’Institut NSF Molecule Maker Lab et l’NSF iBioFoundry. Il a mis en place une interface utilisateur simple : les chercheurs peuvent entrer une séquence protéique et un substrat pour prédire si l’interaction sera efficace. À l’avenir, l’équipe entend étendre EZSpecificity à la prédiction de la sélectivité enzymatique — c’est-à-dire la préférence pour un site précis sur le substrat — afin d’éviter les effets secondaires indésirables. Elle prévoit également d’améliorer continuellement le modèle en intégrant davantage de données expérimentales. Experts du secteur saluent cette avancée comme une étape majeure dans la conception enzymatique. Selon des spécialistes en biotechnologie, EZSpecificity pourrait révolutionner le développement de nouveaux médicaments, de biocarburants et de procédés durables, en réduisant les essais empiriques coûteux. L’approche combinant simulation, apprentissage automatique et validation expérimentale illustre la puissance croissante de l’intelligence artificielle dans les sciences du vivant.