À Google, utiliser l’IA n’est plus une option : c’est devenu une condition pour progresser
À Google, la pression pour intégrer l’intelligence artificielle (IA) dans toutes les tâches professionnelles s’est intensifiée ces derniers mois, au point de devenir un facteur clé de progression carrière. Lors de la conférence annuelle I/O à Mountain View en mai, le PDG Sundar Pichai a lancé un message clair : pour rester leader dans la course à l’IA, l’entreprise doit s’assurer que tous ses employés, ou « Googlers », l’utilisent activement. Cette stratégie s’inscrit dans un contexte de concurrence accrue avec des géants comme Microsoft et OpenAI, notamment dans le développement des modèles Gemini. Depuis juin, Megan Kacholia, vice-présidente ingénierie, a envoyé un courriel aux ingénieurs leur demandant d’adopter des outils d’IA pour améliorer leur productivité, tout en mettant à jour les profils de poste pour inclure l’utilisation de l’IA comme compétence attendue. À l’occasion d’une réunion générale en juillet, Pichai a répété que l’adoption massive de l’IA était essentielle pour la compétitivité de Google. L’entreprise a également lancé des programmes internes de formation pour encourager l’usage de méthodes comme le « vibe coding » — une approche collaborative entre humains et IA — et promouvoir l’usage de ses propres outils, comme Cider, une plateforme interne intégrant des agents d’IA entraînés sur des données internes de Google. Les nouvelles directives stipulent que les ingénieurs doivent utiliser exclusivement les modèles internes pour coder, et que l’utilisation d’outils tiers nécessite une autorisation préalable, afin de protéger les données sensibles. L’IA générée est considérée comme du travail personnel, soumis aux mêmes normes de qualité que le code humain. Google encourage également le « dogfooding » — tester ses propres produits internes — pour améliorer la qualité des outils avant leur lancement public. Les bénéfices sont déjà visibles : selon Pichai, l’IA a permis une augmentation de 10 % de la productivité des ingénieurs, et plus de 30 % du code écrit à Google provient désormais d’IA, contre 25 % en octobre 2024. Le géant a même acquis pour 2,4 milliards de dollars l’équipe clé de Windsurf, une start-up spécialisée dans le codage agissant, afin de renforcer ses capacités. Les équipes commerciales et juridiques sont également concernées : des outils comme NotebookLM ou des versions personnalisées de Gemini, appelées « Gems », sont utilisés pour automatiser la recherche et l’analyse. Des managers exigent désormais des preuves d’usage quotidien de l’IA, même si Google affirme que l’IA n’est pas encore un critère formel dans les évaluations de performance. Les réactions des employés sont mitigées. Si certains s’enthousiasment pour les nouvelles possibilités, d’autres adoptent l’IA par obligation, craignant de se retrouver en retard. Sur les forums internes comme MemeGen, des blagues circulent sur la pression croissante, soulignant l’ironie de devoir justifier l’efficacité d’un outil qu’on est obligé d’utiliser. Pourtant, la majorité reconnaît que l’IA est désormais incontournable, tant les concurrents s’engagent massivement dans cette voie. Experts du secteur estiment que cette transformation accélérée crée un risque de fracture technologique entre les employés capables d’exploiter l’IA et ceux qui ne le maîtrisent pas. Pour maintenir son avance, Google doit non seulement former ses équipes, mais aussi intégrer l’IA de manière organique, sans sacrifier la qualité ou la sécurité.