Le rôle du Chief Trust Officer : une nouvelle arme contre la crise de confiance en temps d’IA
La confiance est en crise. Face à une méfiance croissante envers les gouvernements, les entreprises, les médias et même les citoyens, les organisations cherchent des solutions pour rétablir la confiance. L’un des nouveaux réponses : le rôle de Chief Trust Officer (CTrO), une figure émergente au sein des dirigeants d’entreprise (C-suite), aux côtés des chefs de diverses spécialités comme le chef de la diversité ou du service client. Ce poste, encore peu répandu mais en croissance, a pour mission de renforcer la confiance des clients, des partenaires et du public en s’attaquant à des enjeux complexes liés à la sécurité des données, à l’éthique de l’intelligence artificielle (IA) et à la transparence des pratiques technologiques. Contrairement au rôle traditionnel du CISO (Directeur de la sécurité informatique), qui est réactif et centré sur la défense contre les cyberattaques, le CTrO est davantage proactif et stratégique. Il ne se contente pas de respecter les normes réglementaires, mais cherche à démontrer la fiabilité des systèmes, notamment grâce à l’IA. Comme le souligne Lakshmi Hanspal, CTrO chez DigiCert, « dans un monde d’IA, la preuve prime sur la promesse ». Le CTrO devient ainsi le garant de la crédibilité, en rendant visible et compréhensible le fonctionnement des technologies, en répondant aux préoccupations éthiques et en communiquant clairement avec les parties prenantes. Le contexte est propice à cette évolution. Selon une étude Edelman 2024, bien que les entreprises soient perçues comme plus fiables que les institutions publiques ou les médias, seulement 30 % des consommateurs ont une confiance élevée en elles, alors que 90 % des dirigeants affirment que leurs entreprises sont perçues comme fiables. Ce fossé souligne une urgence : la confiance est un sentiment humain, difficile à gagner et facile à perdre. L’essor des deepfakes, des outils d’IA générative (comme ChatGPT ou Midjourney) et des campagnes de désinformation rend la distinction entre le vrai et le faux de plus en plus floue. Ces menaces dépassent le cadre classique de la cybersécurité. Des entreprises comme Gong et Zendesk ont déjà nommé leurs premiers CTrOs, souvent des anciens CISOs, dont la carrière s’est transformée pour intégrer la communication, la gouvernance de l’IA et la responsabilité sociale. Pour Vinay Patel, premier CTrO de Zendesk, « la confiance est le pilier sur lequel on peut construire et faire croître une entreprise ». Ce rôle devient un levier stratégique, non seulement pour la sécurité, mais aussi pour la compétitivité et l’innovation. Cependant, le CTrO reste une niche. Une étude Forrester révèle que la durée moyenne de ce poste est inférieure à 2 ans, ce qui reflète encore une instabilité dans sa mise en œuvre. Pour Ben Colman, fondateur de Reality Defender, un spécialiste de la détection des deepfakes, le CTrO peut jouer un rôle essentiel en engageant les régulateurs, en répondant publiquement aux inquiétudes et en humanisant la technologie. En somme, le CTrO représente une tentative sérieuse de réparer un système de confiance érodé. S’il ne peut pas tout réparer seul, il incarne une évolution nécessaire : faire de la confiance un pilier stratégique, humain et transparent, au cœur de la relation entreprise-client. Comme le dit Chris Peake, « la confiance, c’est un sentiment humain que l’on ressent, pas un chiffre ». Le CTrO n’est pas une solution miracle, mais un pas vers une entreprise plus responsable, plus ouverte et plus humaine.