HyperAI
Back to Headlines

Découverte de Protéines Bleues Cryorhodopsines : Un Nouveau Prototype pour les Interrupteurs Moléculaires On-Off

il y a 3 jours

Des protéines bleues rares issues de micro-organismes adaptés au froid pourraient servir de prototypes pour des commutateurs moléculaires Découverte d'un groupe obscur de cryorhodopsines Imaginez les majestueuses glaciers du Groenland, les neiges éternelles des hauts sommets tibétains, et les eaux souterraines toujours glacées de Finlande. Pour le biologiste structurale Kirill Kovalev, ces environnements sont non seulement de somptueux paysages naturels, mais aussi des habitats propices à des molécules inhabituelles qui pourraient contrôler l'activité des cellules cérébrales. Kovalev, postdoctorant dans le groupe Schneider de l'EMBL Hamburg et le groupe Bateman de l'EMBL-EBI, est physicien passionné par la résolution de problèmes biologiques. Il s'intéresse particulièrement aux rhodopsines, une catégorie de protéines colorées permettant aux micro-organismes aquatiques de capter l'énergie solaire. En fouillant les bases de données de protéines en ligne, Kovalev a remarqué une caractéristique rare commune à des rhodopsines trouvées exclusivement dans des environnements très froids. Ces protéines, bien qu'évoluant à des milliers de kilomètres de distance, partageaient des structures presque identiques. C'était trop curieux pour être une coïncidence. Elles devaient être essentielles pour la survie des micro-organismes dans le froid. Kovalev a donc baptisé ce groupe de protéines "cryorhodopsines". Diversité de couleurs et propriétés uniques La couleur est la caractéristique clé de chaque rhodopsine. La plupart sont rosées ou orangées, elles réfléchissent la lumière rose et orangée et absorbent la vert et la bleue, ce qui les active. Les scientifiques cherchent à créer une gamme variée de rhodopsines colorées pour contrôler avec plus de précision l'activité neuronale. Les rhodopsines bleues sont particulièrement recherchées car elles sont activées par la lumière rouge, qui pénètre plus profondément et moins invasivement les tissus. Étonnamment, lorsqu'il a examiné les cryorhodopsines en laboratoire, Kovalev a découvert une diversité inattendue de couleurs, y compris le bleu. Ce travail a été publié dans la revue Science Advances. La couleur de chaque rhodopsine est déterminée par sa structure moléculaire. Toute modification de cette structure peut altérer sa couleur. Kovalev a constaté que la clé du bleu des cryorhodopsines réside dans la même rare particularité structurale qu'il avait initialement repérée dans les bases de données de protéines. "Avec notre understanding de ce qui les rend bleues, nous pouvons désormais concevoir des rhodopsines bleues synthétiques adaptées à diverses applications," explique Kovalev. Applications potentielles pour la recherche et la médecine Les collaborateurs de Kovalev ont testé les cryorhodopsines dans des cultures de cellules cérébrales. Lorsque ces cellules exprimant des cryorhodopsines étaient exposées à la lumière UV, elles génèrent des courants électriques à l'intérieur des cellules. Si les chercheurs éclairaient ensuite les cellules avec de la lumière verte, cela les rendait plus excitables. Par contre, si ils utilisaient de la lumière UV/rouge, cela diminuait leur excitabilité. "Ces nouveaux outils optogénétiques pour contrôler efficacement l'activité électrique des cellules, tant 'allumée' que 'éteinte', seraient extrêmement utiles en recherche, en biotechnologie et en médecine," souligne Tobias Moser, chef de groupe au University Medical Center Göttingen et participant à l'étude. "Dans mon groupe, nous développons de nouveaux implants cochléaires optiques pour les patients qui peuvent restituer auditivement grâce à l'optogénétique." Kovalev précise : "Nos cryorhodopsines ne sont pas encore prêtes à être utilisées comme outils, mais elles constituent un prototype excellent. Elles possèdent toutes les caractéristiques clés qui, selon nos découvertes, pourraient être optimisées pour l'optogénétique." Protéine UV protectrice L'équipe de Kovalev a également montré, grâce à des techniques spectroscopiques avancées menées par Josef Wachtveitl de l'Université de Francfort, que les cryorhodopsines peuvent détecter la lumière UV, même par un jour pluvieux d'hiver à Hambourg. Wachtveitl a constaté que les cryorhodopsines sont en fait les plus lentes parmi toutes les rhodopsines en matière de réponse à la lumière. Cette observation a amené les scientifiques à penser que les cryorhodopsines agissent comme des capteurs lumineux, permettant aux microbes de "voir" la lumière UV, une propriété inédite chez les autres rhodopsines. "Pourquoi les cryorhodopsines ont-elles évolué avec cette fonction dualiste si étonnante, et pourquoi uniquement dans les environnements froids, reste un mystère," ajoute Kovalev. "Nous supposons que ces protéines ont évolué non en raison du froid, mais pour permettre aux microbes de détecter la lumière UV, qui peut être nocive pour eux. Dans les environnements froids, tel que le sommet d'une montagne, les bactéries sont confrontées à une intense radiation UV. Les cryorhodopsines pourraient donc les aider à la détecter, afin qu'elles se protègent. Cette hypothèse correspond bien à nos observations." "La découverte de molécules extraordinaires comme celles-ci ne serait pas possible sans des expéditions scientifiques dans des lieux souvent reculés, afin d'étudier les adaptations des organismes vivant là-bas," conclut Kovalev. "Nous pouvons apprendre énormément de ces études." Approches techniques innovantes Pour révéler la biologie fascinante des cryorhodopsines, Kovalev et ses collaborateurs ont dû surmonter plusieurs défis techniques. Un d'entre eux était que les cryorhodopsines sont quasi identiques en structure, et même un léger changement de position d'un atome unique peut entraîner des propriétés différentes. L'étude de molécules au niveau de détail requis nécessitait d'aller au-delà des méthodes expérimentales standard. Kovalev a utilisé une approche de biologie structurale 4D, combinant la cristallographie par rayons X au faisceau P14 de l'EMBL Hamburg et la microscopie électronique cryogénique (cryo-EM) dans le groupe d'Albert Guskov à Groningue, Pays-Bas, avec l'activation des protéines par la lumière. "J'ai choisi de faire mon postdoc à l'EMBL Hamburg à cause de la configuration unique du faisceau qui a rendu mon projet possible," dit Kovalev. "Toute l'équipe du faisceau P14 a travaillé ensemble pour adapter l'installation à mes expériences, je suis très reconnaissant pour leur aide." Le défi majeur était que les cryorhodopsines sont extrêmement sensibles à la lumière. Pour cette raison, les collaborateurs de Kovalev ont dû apprendre à manipuler les échantillons presque dans le noir total. Évaluation et perspectives industrielles La découverte des cryorhodopsines bleues constitue une avancée significative dans le domaine de l'optogénétique. Leur capacité à alterner entre un état actif et inactif sous l'effet de la lumière pourrait faciliter le développement de nouvelles technologies de contrôle cellulaire, notamment pour les applications médicales et biotechnologiques. Des experts comme Tobias Moser voient un grand potentiel dans ces protéines, notamment pour le développement d'implants cochléaires optiques permettant de restaurer l'audition chez les patients. La collaboration interdisciplinaire et l'utilisation de techniques avancées ont permis à Kovalev et son équipe d'élucider les mécanismes complexes de ces protéines, ouvrant ainsi la voie à des innovations futures. Avec des institutions renommées comme l'EMBL Hamburg et l'EMBL-EBI, ainsi que des universités partenaires, cette recherche illustre le pouvoir de la science collaborative pour explorer des domaines peu connus et offrir des perspectives prometteuses.

Related Links